Emilia Pérez Belgique, France, Etats-Unis 2023 – 130min.

Critique du film

Drogue et disco sur la Croisette

Patrick Heidmann
Critique du film: Patrick Heidmann

Pour son nouveau long métrage, Jacques Audiard propose un mélange des genres extraordinaire accompagné d’une distribution cinq étoiles. Sans aucun doute l’un des points forts de cette compétition cannoise 2024.

Rita (Zoe Saldaña) est une avocate intègre, mais sous-payée et surexploitée par un patron corrompu. Pour s’en sortir, elle accepte d’assister l’un des gangsters les plus impitoyables du pays. Le projet: l’aider à mettre sa famille à l’abri et à quitter le pays afin de se faire opérer pour enfin devenir, à l’extérieur, la femme qu’elle a toujours était à l’intérieur.

Quelques années après, l’ancienne criminelle (superbement interprétée par l’actrice transgenre espagnole Karla Sofía Gascón), maintenant connue sous le nom d’Emilia Pérez, se rapproche une nouvelle fois de son avocate pour organiser son retour au Mexique. Mais, dans un pays traumatisé par les disparitions incessantes causées par les cartels, se rapprocher de sa famille et se réconcilier avec son passé sera bien loin d’être facile.

Le cinéaste français Jacques Audiard n’a pas peur de se renouveler. À chacun de ses longs métrages, il n’hésite pas à surprendre son public par ses choix inattendus de genres et de thématiques. En 2015, le réalisateur partait déjà du Festival de Cannes lauréat de la Palme d’or grâce au poignant «Dheepan», l’histoire de trois réfugiés sri-lankais à l’aube de la fin de la guerre civile.

Cette année, il semble en bonne voie de réitérer. Présenté en compétition officielle pour cette édition 2024, «Emilia Pérez», son nouveau projet sur le monde des cartels de drogues mexicains, est une bouffée d’air frais emplie d’une énergie bienvenue sur la Croisette, où il a provoqué un véritable engouement.

À l’écran, l’histoire, déjà si spécifique, prend des formes encore plus extravagantes. Si la réalité brutale du Mexique est évoquée dans la deuxième moitié du film, Jacques Audiard est moins soucieux d’aborder de manière réaliste les problèmes liés à la criminalité du pays, que de concocter un mélange explosif de thriller, de film de gangsters, de soap opéra et de comédie musicale.

Et oui, vous avez bien lu, dans «Emilia Pérez», ça chante et ça danse! Une réalisation euphonique marquée par les textes de la chanteuse française Camille, écrits avec l’aide de son compagnon Clément Ducol, et attestée par la présence au casting de la star Selena Gomez. Si la qualité des chansons est, par moment, aléatoire, sa distribution - d’une Zoe Saldaña dans l’une de ses meilleures prestations, à l’aura fantastique de Karla Sofía Gascón - est là pour prendre les choses en main!

Magnétique, puissant et surprenant, malgré quelques faiblesses, le dernier chef-d'œuvre de Jacques Audiard est de ces œuvres novatrices qu’il ne faut surtout pas manquer et qui a amplement mérité l’accueil enthousiaste qui lui a été réservé à Canne.

(Cannes 2024, adapté de l'allemand)

13.08.2024

4

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Commentaires

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geradupo

il y a 2 mois

Une claque ce film! On ne sait pas du tout à quoi s’attendre avant, c’est une vraie surprise et j’ai adoré!

geradupo

il y a 2 mois

Toutes les actrices sont brillantes!


CineFiliK

il y a 2 mois

“Regarde les hommes tomber”

Alors qu’elle s’égare en aidant des maris coupables à s’en sortir, l’avocate Rita Moro Castro est enlevée par Manitas, un narcotrafiquant très puissant. Celui-ci lui promet une somme d’argent considérable si elle l’aide à devenir une femme.

C’est une histoire de violence qui débute par un féminicide. Dans un Mexique de pacotille, où les mariachis illuminent la nuit, le mâle règne en maître. Corruption, disparitions et meurtres assombrissent le quotidien. Le salut passera-t-il par le féminin ? Faut-il changer son corps pour changer son âme ? L’horizon sociétal en serait-il plus rose ?

Étonnant que Jacques Audiard, connu pour son cinéma viril, se pose ces questions. Plus Almodóvar que jamais, l’audacieux prophète prend le risque de se perdre dans la translation. Tournage en espagnol, une langue qu’il ne maîtrise pas. Décors caricaturaux s’échauffant sous le soleil de Mexico, alors que Lausanne en Suisse grelotte sous la neige. Arc-en-ciel de couleurs et d’images qui s’excite dans une esthétique kitsch et pop. Mélange des sexes et des genres hésitant entre film noir, mélodrame, télénovela et comédie musicale capable de faire rimer vasectomie et vaginoplastie. « Je suis souvent en transit », ose-t-il même faire dire à son héroïne dévoilant ses nouveaux atours. Et pourtant, la chute pressentie laisse rapidement place à un équilibre miraculeux et confortable. Atout principal, la qualité des compositions de Camille et Clément Ducol permet de digérer la folie de l’ensemble. Ainsi transforment-elles les scènes en théâtre de Broadway, quand les paroles d’un enfant qui reconnaît l’odeur de son père crèvent le cœur. Alors que l’on regarde les hommes tomber, se construit un gynécée dans lequel étincelle une actrice. Séduisante et protectrice, Zoe Saldaña s’élève au « firmaman ».

(7.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 mois


Eric2017

il y a 2 mois

Superbe film de Jacques Audiard qui a osé réaliser ce film en espagnol. et d'ailleurs même si une version française existe, je conseille d'aller le voir V.O. Le film démarre très bien avec cette avocate au top qui est contactée par un narcotrafiquant. Puis, je la vois danser, chanter avec les figurants et j'ai eu peur de me retrouver dans un film de Jacques Demi (à chacun son style) mais à la sauce Audiard. Il n'en est rien et ces divers passages ne font qu'accentuer le scénario. Scénario qui n'est jamais grotesque, même qu'il est fait de moments très touchants, très tendres, et au final je me suis laissé totalement emporté par ce trio de femmes extraordinaires. Ce film est une vraie pépite qui n'est pas sans me rappeler quelques films d'Amoldovar. Il faut aller le voir ! (G-27.08.24)Voir plus

Dernière modification il y a 2 mois


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